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Évènement | Mon Van Gogh

Van Gogh – Le Revenant

Thibault Franc

mar. 5 sept. 2017
19 h – 20 h

Tout au long de l’année, Bice Curiger invite des personnalités du monde de l’art et de la culture à prendre la parole sur un aspect de l’œuvre et de la vie de Van Gogh qui les touche particulièrement.

 

Mon Van Gogh n’est pas malade, ni fou, ni même génial. Il est mort. Cette caractéristique, assez répandue chez les artistes nés au XIXe siècle, prend chez lui une valeur particulière, parce que Vincent van Gogh semble devenu le mort le plus vivant d’Arles.

Avant de devenir plasticien, je me suis intéressé aux légendes, à l’anthropologie, à l’occultisme parfois. Les revenants me sont familiers, qu’ils soient ceux des sagas islandaises, ou les zombies d’Haïti. En 2015, j’ai publié mon deuxième roman, Temps mort, qui traite de la difficulté du retour. Pour la couverture, nous avons choisi d’utiliser un autoportrait de Van Gogh en mort-vivant, réalisé pour l’exposition « Zombies » en 2014 à la galerie du Collectif E3. Depuis mon arrivée à Arles, le peintre marcheur m’a inspiré de nombreuses oeuvres en lien avec ce retour en ville du refoulé. La figure fantasmée du trépassé prend sa place naturelle dans une ville de vent et de soleil, mais qui est aussi bâtie sur une grande nécropole.

Il y a un an, la Fondation m’a demandé de travailler sur une série de dessins autour de la présence de Van Gogh à Arles, jusque dans les goodies, objets dérisoires du merchandising. C’est cette appropriation populaire du personnage que je trouve fascinante, sacrilège marchand parfois ridicule, mais que je propose de considérer aussi comme une forme de hantise. Car il n’est pas facile de se débarrasser d’un revenant. Un énorme appétit le définit, l’impossibilité d’apaiser le vide. En tant qu’artiste je ne peux m’empêcher d’explorer cette absence vivante, cette présence paradoxale, comme on touche de la langue une dent arrachée. Masqué, démasqué, mon Van Gogh hagard titube sur les routes, son visage est changeant comme celui des apparitions. Peintre puissant touché par une mauvaise mort, il devient un esprit que l’on peut invoquer, un Loa vodoun peinture, un fétiche. Rien de morbide ou de déprimant dans cette charogne colorée ; au contraire, l’humour, la vie, le détachement y plongent leurs racines, pour transformer la terre d’un tombeau en fleurs nouvelles d’amandier.

 

Né en 1976 à Bordeaux près du Jardin Public, dans un quartier peuplé d’oiseaux, de carpes, de vieillards et de jardiniers, Thibault Franc a fait des études de philosophie. Plutôt que de se tourner vers l’enseignement, il expérimente d’autres modes de relation, d’autres formes de connaissance, à travers la botanique, les arts martiaux, les voyages en Afrique, l’atelier de plain-pied sur la rue, à Bordeaux puis à Arles. Ses créations plastiques ou littéraires sont autant d’appréhensions d’un monde fragmenté. Par ses assemblages, images liées ou objets composites, il tente de renverser l’entropie, contenir les forces centrifuges. Ce goût pour le détournement des mots, des formes et des objets ne s’exerce pas au hasard, mais à travers l’ancrage conscient dans un territoire, autour de ses mythologies locales.