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BIOGRAPHIE

James Ensor

James Ensor (1860-1949) est considéré comme l’un des plus éminents représentants de l’avant-garde belge du début du XXe siècle, malgré une attitude singulière qui dénote une posture extérieure à celle-ci.

Il entretient, d’une manière générale, un rapport ambigu, voire virulent, avec les différents milieux qu’il fréquente, telle, par exemple, l’Académie royale des beaux-arts de Bruxelles, qu’il fustige dans une satire sévère intitulée Trois semaines à l’Académie (1884), ou le Groupe des Vingt (ou les XX), nouvelle école du Nord où se rencontrent les avant-gardes européennes de 1884 à 1893. Il participe néanmoins au développement de ce cercle artistique, aux côtés, entre autres, de Guillaume Vogels, Fernand Khnopff ou encore Constantin Meunier. En lien avec la satire de son époque, qui voit apparaître le « rire moderne », il développe un corpus d’œuvres s’attachant à représenter les figures d’autorité de son époque.

Lors de ses années bruxelloises, de 1877 à 1880, ses relations avec le peintre et poète Théo Hannon, la famille Rousseau et le géographe anarchiste Élisée Reclus, le rapprochent de l’Université libre et de la scène progressiste et libérale de Bruxelles. Ces années creusent le sillon de ses convictions anarchistes, trouvant un écho particulièrement fécond à cette époque en Europe. L’artiste assiste par ailleurs à de nombreuses représentations de comédies et saynètes populaires aux côtés de la famille Rousseau, dont les travestissements lors des carnavals le marquent profondément, de même que l’esprit « zwanze » bruxellois, où s’enracine l’anarchisme culturel flamand de certaines revues.

De retour à Ostende en 1880, Ensor entame une période dite « sombre » et poursuit ses peintures de veine réaliste jusqu’à ce qu’y apparaissent bestiaire fantastique et squelettes autour de 1885. À partir de cette date, il s’enferme dans son œuvre et cherche à s’émanciper du Groupe des Vingt en ayant notamment recours à la gravure, censée assurer une plus large diffusion à son imaginaire et à sa verve.

Il s’inspire de Dürer, Grandville, Rembrandt, Rops et Goya, mais aussi de Bosch et Brueghel. De 1886 à 1904, il réalise quelque cent trente-trois eaux fortes et pointes-sèches – dont quatre-vingt-six de 1886 à 1891 – ainsi qu’un nombre important de lithographies. Si le noir des estampes se veut, au XIXe siècle, le langage privilégié des visionnaires fantastiques, les gravures d’Ensor accompagnent sa démarche relevant de la négation dépourvue d’idéal. Il les rehausse néanmoins de couleurs, voire les transpose en peinture (Le Christ apaisant la tempête, 1890-1891). Par ailleurs, il poursuit à travers elles une tradition flamande : la peinture de foules et de fêtes populaires, que l’on retrouve chez Brueghel par exemple. Fasciné par l’inversion des règles et le renversement de l’ordre établi, le peintre produit des œuvres porteuses des germes symboliques et stylistiques du surréalisme, qui se diffusera largement quelques décennies plus tard.

Sur le versant pictural, cette période voit apparaître ses œuvres les plus fantastiques, telles que Adam et Ève chassés du Paradis (1887) ou Masques raillant la Mort (1888), ainsi que le motif du masque, qui parodie la société humaine.

Fin 1898, Ensor expose pour la première fois à Paris au Salon des Cent. Pour l’occasion, il présente principalement des gravures et des dessins ; mais malgré des retours positifs de la critique, son travail ne rencontre pas le succès escompté auprès du public.

Le début du XXe siècle marque un tournant dans la carrière du peintre, à travers sa reconnaissance internationale : en 1910, des rétrospectives de son œuvre sont organisées à Rotterdam et Anvers ; il est anobli et nommé baron en 1929 et la même année le Palais des Beaux-Arts de Bruxelles lui consacre une rétrospective ; enfin, il reçoit la Légion d’honneur en 1933 – rompant ainsi avec son passé d’anarchiste, cherchant même à interrompre la circulation de ses estampes les plus contestataires.

La réception critique des dernières œuvres d’Ensor est frileuse, et certaines des peintures de cette ultime période sont vues comme de simples copies de celles l’ayant mené à la gloire. Il termine néanmoins sa vie en étant considéré comme le « prince des peintres », ses divers autoportraits ayant participé à la mise en lumière du questionnement de l’artiste quant à sa propre place au sein de la société.